Categories
Uncategorized

Le huitième continent

This post is also available in english

Pourquoi devrions-nous explorer et nous installer dans l’espace ?

Parfois, on dit que la lune est “le huitième continent” de la Terre. Voici comment j’aime y réfléchir.

Une ville sur un autre monde. Illustration par David Schleinkofer, 2011.

Imaginons. Nous sommes en 2020, et pour une raison que l’on ne s’explique pas, nous venons de découvrir aujourd’hui un continent grand comme l’Afrique au milieu de l’océan Pacifique. Combien de temps attendrons-nous avant d’y aller ?

Ce continent fictif aurait des règles du jeu complètement différentes. Il y ferait parfois très chaud, parfois très froid. Clairement, on ne serait pas faits pour vivre là-bas. L’atmosphère étrange nous forcerait à porter des vêtements spéciaux. L’air ambiant changerait complètement la façon dont on conçoit les industries, car certains procédés seraient beaucoup plus faciles à faire ici. D’autres seraient plus difficiles. D’ailleurs, le sol n’aurait rien à voir avec ce qu’on connait, il serait composé d’autres matériaux, dans des proportions différentes, qui nous forceraient à complètement repenser nos techniques de construction et comment nous fabriquons nos objets du quotidien. Il y a des éléments chimiques essentiels à notre survie qui y seraient très rares, ce qui nous forcerait à faire des progrès sur le recyclage et l’économie circulaire pour réduire les coûteux imports par avion depuis les continents voisins. Depuis ce continent, on aurait accès plus facilement à des îles proches, qui ont elles-aussi leurs spécificités et leurs curiosités.

La vie n’y serait pas facile dans un premier temps, car il y aurait tout à construire et peu d’infrastructures en place. On tenterait des idées nouvelles, et il y aurait des échecs. Parfois, des drames humains seraient bouleversants, et on remettrait en cause cette entreprise. Ce serait une aventure dangereuse mais avec une grande perspective pour l’avenir, celle d’ouvrir un nouveau continent entier pour l’humanité. Un continent supplémentaire qui verra naître des gens qui vont créer, imaginer, aimer, partager, écrire leur propre histoire. Leur vie n’aura pas grand-chose à voir avec la nôtre, car ils vivront dans un environnement totalement différent et développerons leur propre culture. C’est cette différence qui fera leur force, et qui apportera de la diversité au patrimoine culturel de l’humanité.

Cette aventure épique, ça ne serait pas de la science-fiction. On pourrait dire aux enfants : si tu travailles bien à l’école, toi aussi tu pourras faire partie de cette grande aventure. Toi aussi tu pourras écrire l’histoire.

En essayant d’aider les courageux pionniers qui risqueraient leurs vies à faire ce voyage les premiers, des générations d’ingénieurs et de scientifiques se creuseraient la tête pour résoudre ces nouveaux problèmes qu’on ne s’était pas posés jusque-là. Cela offrirait également un nouvel angle d’attaque pour des problèmes déjà connus. Une nouvelle perspective pour trouver des solutions jusqu’alors laissées de côté. Un deuxième point de mesure pour des théories déjà confirmées.

Certaines personnes seraient proches de celles et ceux qui font le grand saut. Leur investissement émotionnel serait grand, et quand on est passionné et investi, on réfléchit différemment – c’est une force. Les guerres sont connues pour être très motrices pour l’inventivité et le progrès technique. Il vaut mieux que cet investissement émotionnel vienne d’une aventure excitante que de la peur, l’instinct de survie, ou le nationalisme. Même sans investissement personnel aussi fort, le fait de pouvoir travailler au quotidien sur un objectif qui a du sens, c’est un des principaux facteurs pour aimer son travail. Beaucoup de personnes aujourd’hui qui ont fait des études supérieures sont en quête de sens.

De premier abord, ce grand projet aurait beaucoup l’air d’une perte de temps et d’argent. Pourquoi investir autant d’efforts pour vivre à un endroit si hostile ? On ne pourra pas cultiver de quoi vivre là-bas, en tout cas pas comme on le fait ici. Et il n’y a aucuns minéraux à y extraire qu’on n’ait déjà ici.

Comme bien souvent, le voyage est plus intéressant que la destination. Pour accomplir cet effort, il faudrait inventer plein de nouvelles choses et développer de nouvelles mentalités. C’est ça qui est important.

Il est difficile de savoir à l’avance si une innovation va générer des bienfaits ou des profits… En revanche, ce que l’on sait, c’est que s’il y a un moyen d’augmenter le nombre d’innovations, il y aura sûrement parmi elles certaines qui se révéleront utiles, voir transformatrices.

Nous vivons beaucoup mieux aujourd’hui qu’il y a 2000 ans. Ce n’est pas parce qu’on a changé de planète, ou que les règles du jeu ont changées. C’est le progrès technologique qui nous a ouvert de nouvelles perspectives sur les façons d’interagir avec le monde qui nous entoure. Offrir un terrain de jeu pour stimuler l’inventivité qui sommeille en chacun de nous, voilà la vraie raison. Beaucoup de défis seront spécifiques à la survie dans ce nouvel environnement hostile, mais beaucoup de technologies seront à coup sûr transposables pour améliorer le quotidien des personnes qui n’auront pas fait le voyage. Ça a déjà été le cas depuis qu’on envoie des machines dans l’espace, et des personnes à peine plus loin que le haut de notre atmosphère. Alors qu’est-ce que ce sera lorsque des personnes vivront à plein temps sur un autre monde, où ils feront l’essentiel des activités quotidiennes servant à survivre, travailler, et se divertir ?

Faire le choix de partir dans l’espace, ce n’est pas renoncer aux défis auxquels nous faisons face sur Terre, c’est au contraire nous offrir de nouveaux outils pour y faire face.

Aujourd’hui, ce huitième continent n’est pas au milieu de l’océan pacifique, mais au-dessus de nos têtes. Ce continent, ça aurait pu être le fond des océans, l’Antarctique, les déserts, la Lune, Mars, des stations géantes dans l’Espace, ou autre chose. Mais à l’intersection de ce qui est techniquement faisable, qui est excitant pour notre avenir, qui s’aligne sur le contexte géopolitique actuel, et pour lequel nous avons un tissu d’acteurs privés qui arrivent à maturité… Aujourd’hui, il y a la Lune. Bientôt, il y aura Mars.

Alors allons-y. Et restons-y.

Le plus beau dans le fait d’utiliser l’espace comme une frontière d’innovation et de développement durable, c’est que c’est un modèle qui ne peut pas s’épuiser. Il y aura toujours de nouveaux mondes à explorer, à étudier, où s’installer. Saisissons cette opportunité tant qu’elle se présente à nous.

2 replies on “Le huitième continent”

Premier article et je suis conquis! La question de la découverte spatiale est posée. Il reste encore de nombreux points qui pourront être ajoutés, mais le fondement est là. La philosophie de cette démarche. Le reste va venir après. Ça me donne envie de faire une série de SF où ton texte serait la préface sur fond des grandes réalisations humaines 🙂

Leave a Reply to POLY Cancel reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *